CHER MAÎTRE CORBASSIÈRE,

Moi qui vous pensais indestructible, j’ai appris récemment, en vous cherchant sur Google, que vous nous aviez quittés pendant le premier confinement. Un choc ! Pourtant, si nous nous étions croisés à nouveau, en 2020, sur un trottoir parisien, vous ne vous seriez probablement pas souvenu de moi…ou vous auriez fait semblant… vous étiez si facétieux.

Pourtant, vous m’avez marquée. Comme quoi, pas besoin de fréquenter les gens une décade pour qu’ils soient signifiants. Quelques soirées suffisent parfois. C’était au début des années 2000, j’avais la vingtaine provinciale et les nuits parisiennes s’ouvraient à moi comme un nouvel Hollywood, un monde merveilleux fait d’acteurs et de jolies fringues. Et puis, au bout d’un moment, passé l’émerveillement de poser ses fesses dans des endroits aux décorations luxueuses, d’être assise à moins d’un mètre d’une superstar du cinéma, ces soirées finissent par toutes se ressembler. C’est le vide derrière les paillettes, la plupart des gens ne profitent pas de l’endroit pour s’amuser, mais pour vérifier que leur présence a bien été remarquée. 

Et parfois, dans ces soirées clonées, il se produit une rencontre qui vous fait faire un tout petit bond en avant. Une personne ayant ce fameux petit truc en plus qui le différencie des autres. Vous étiez une connaissance de ma colocataire, une noctambule aguerrie. Elle m’avait dit : « Tu verras avec lui on va rigoler ». 

Un soir vous m’avez dit : « Vous n’êtes jamais allée au Ritz Club ? » comme si rien n’était plus normal que de s’y rendre… «Alors on va passer par la grande porte ». Nous voilà place Vendôme dans votre R21 « Que voulez-vous, on me l’a offerte, je ne l’ai pas choisie… », et vous avez appelé les voituriers (morts de rire, ils avaient visiblement l’habitude) et leur avez tendu les clés comme s’il s’agissait d’une Lamborghini. Nous avons traversé tout l’hôtel jusqu’au Club – une traversée incroyable dans des tapis crème si profonds que mes bottes Gucci (Deux heures de queue pendant les soldes pour les obtenir, celles qui savent, savent) s’enfonçaient dedans. Si quelqu’un avait pu me voir marcher à ce moment-là, il aurait cru regarder un documentaire en slow-motion sur la vie d’un panda dans la jungle urbaine. Grâce et fluidité n’étaient visiblement pas au Ritz ce soir-là. Ailleurs, certainement.

J’en profite pour faire un petit aparté sur ces tapis maléfiques. Les personnes fortunées suivent-elles des tutos de riches où on leur apprend à se déplacer élégamment sur ces surfaces molles ? Quel est le truc ? Comment est-il possible de ne pas s’enfoncer ? Si quelqu’un a la réponse, n’hésitez pas, merci.

Après la visite guidée des couloirs du Ritz, où chaque tournant est orné d’une vitrine qui vous invite à fracasser votre PEL pour un seul objet, nous sommes arrivés en haut des marches du Ritz Club sans avoir rencontré âme qui vive (pour être classe, il faut aimer la solitude). Une fois en bas dans cet endroit mi-piano-bar, mi-discothèque (je n’ose pas dire boîte). Comme à la maison, vous demandez au DJ votre chanson préférée : « Hotel California » et vous voilà sur cette piste unique : un petit bout de parquet délimité par des bordures en bois avec un mini-ciel étoilé au-dessus, miiignon tout plein. Après avoir joué pendant six minutes trente les divas du dancing, avec cet humour pince-sans-rire qui n’appartenait qu’à vous, vous posez devant moi sur la table un cendrier estampillé Ritz Club, ramené des toilettes : « C’est cadeau ». « Merci beaucoup, Maître, pour cette gentille attention, mais ça fait un peu crevard, non ? » Bref, on rigolait bien…

Vous ne faisiez pas partie de mon quotidien, mais vous apparaissiez comme ça, vous proposiez d’aller ici à une réunion de l’association Slow Food au Chavignol, une de vos cantines, près de chez vous, ou bien un dîner au Lido, au Lô Sushi, au Florentin, au Man Ray. Vous saluiez Stella McCartney, vous me parliez de ce célèbre animateur télé : « J’ai encore refusé d’aller à son émission ! » Ah bon ? Mais pourquoi, c’est pas mal, pourtant, son émission, on est nombreux à la regarder ! « Il ne veut pas me payer ! » Rhooo Maître. « Ben c’est vrai quoi ! Lui il fait de l’audience, mais moi je gagne quoi, à aller faire le mariole à la télé ? Ce n’est plus de mon âge, ça ! » Même si l’une de vos plaisanteries favorites était de nous préciser que « Popaul est resté vert ».

Vous étiez une mine à anecdotes, et l’un de mes grands regrets, quand je lis vos biographies, est de ne pas vous avoir posé plus de questions, vous les connaissiez tous ! Dac, Vian, Gréco, Malraux, je ne suis pas nostalgique, mais vous avez connu des gens passionnants à une époque où les ligues de bien-pensance ne vous sautaient pas dessus à la moindre plaisanterie, parce qu’elle pourrait froisser quelqu’un quelque part. Je suis passée également à côté de votre œuvre, Internet n’en était qu’à ses balbutiements. Je vous savais coté, mais je vous ai découvert une vraie popularité aux États-Unis, où vos œuvres expressionnistes sont comparées à celles d’un certain Jackson Pollock, excusez du peu. Vous avez peint des affiches de films et moi la cinéphile, j’ai raté ce sujet-là aussi, que voulez-vous, l’être humain moyen ne vaut pas grand-chose à vingt ans.

Parfois vous étiez un peu plus fatigué, mais vous aviez toujours l’élégance de me présenter à des amis de la nuit pour que la soirée ne dépende pas de vous. Mais la plupart du temps, le retour dans votre tacot quand vous me déposiez dans mon 9e arrondissement, était l’occasion de débriefings savoureux : « Tout de même, disiez-vous. Ces mannequins, elles sont désagréables. Elles font tout le temps la gueule ! » Mais, Maître, vous répondais-je. Elles ont faim ! Vous aussi, vous tireriez la tronche, si vous aviez faim ! Et nous riions, mais rire avec vous, c’était indescriptible, c’est comme si soudain je prenais conscience qu’il pouvait y avoir un rire de qualité, un rire qui faisait que j’étais en même temps honorée, en fait.

Des années plus tard, juste avant que je ne quitte Paris, je vous ai croisé sur les Champs-Elysées. Vous n’aviez pas changé d’un iota. Toujours votre chapeau noir et votre écharpe rouge, comme un Toulouse-Lautrec 2.0, je vous ai abordé. « Maître vous vous souvenez de moi ? » Non, apparemment. Mais votre œil pétillait. « Regardez, vous m’aviez donné votre carte » Un autocollant génialissime, une bouche avec écrit « J’aime Corbassière » et vos coordonnées au dos. Vous avez souri. « Comment allez-vous ? » me dites-vous alors tranquillement, alors que vous m’aviez reconnue depuis le début. Nous avons parlé quelques instants sur ce trottoir. Vous êtes parti, la foule des Champs vous a absorbé. Je vous ai regardé partir. 

Et là, devant cet inexorable Google qui m’annonce froidement que vous êtes décédé, je vous regarde partir encore une fois. Je n’ai pas une seule photo avec vous, à l’époque, nous étions libres, sans smartphones. Il ne me reste de vous que deux autocollants et un vieux cendrier tout recollé.

Mais, même si les contours de mes souvenirs sont flous, votre présence fulgurante dans ma vie ne l’est, elle pas du tout. Je vous salue, cher Maître. 

Corbassière est mort, vive Corbassière !

« Et comment, tu n’as pas d’enfant ? »

« Une belle fille comme toi, et toujours célibataire ? #2 »

Cher ami lecteur, je t’ai raconté au début de l’été la foire aux pénibles qui te demandent encore et encore comment ça se fait qu’avec ton physique pas dégueu, ta bonne humeur et ton humour sympa, tu ne sois pas en couple, et surtout comment tu as réussi à te retenir de leur jeter n’importe quel liquide dans la tronche. Hé bien, sache que, dans l’exploration de la lourdeur conversationnelle, tout de suite après il y a la question du titre.

Celle qui fait de toi, infâme nullipare, un mutant tout noir à l’intérieur. Ou un fruit sec, au choix.
Non, parce que comment, en tant que femme (feeeeemmme simplement j’te diiiis) tu n’aies pas ressenti ce besoin irrépressible de remplir ton rôle sur terre et produire un chiard (au moins un).

Je n’ai donc pas d’enfant.

L’horloge biologique, cette menace totalement sexiste, n’égrène un compte à rebours que pour les amies lectrices, n’est-ce pas Mick (Jagger, père pour la 8e fois à 73 ans) ? Donc je devrais être en train de m’inquiéter sérieusement.
De toute façon, ça fait belle lurette que les statistiques font de moi un objet obsolète, une voiture qui roule mais qui n’est plus cotée à l’argus. Dès que tu passes 35 ans, tu bascules dans la population des grossesses à risque, on te répète à longueur de temps que tu aurais dû t’activer avant, pendant que Mick, la veille de sa mort, peut, s’il le souhaite fabriquer un dernier moutard pour la route et repeupler tout un quartier de Londres à lui tout seul, puisque Papa was a Rolling Stone.

Déjà donc, au démarrage, avant même d’avoir pu me poser ne serait-ce que la question, la vie est injuste : je dois me dépêcher, pendant qu’un homme peut, lui prendre tout son temps et attendre la maturité nécessaire pour avoir l’envie de procréer et d’élever sa progéniture. Et toutes les associations pro féministes n’y pourront rien changer, il y a un défaut de fabrication à la base chez le concessionnaire.

Mais mettons que l’urgence biologique ne soit pas un problème. Tout le monde me pose la question comme si j’avais une tare cachée, ou qu’un événement sournois et traumatisant me soit survenu (fausse couche de Grey’s Anatomy, viol de New-York Unité Spéciale, etc.) À la limite, munie d’une bonne raison de cet ordre, je pourrais avancer fièrement une position aussi provocante et transgressive que : « je ne veux pas d’enfant » (ce qui n’est pas le cas, au moins je ne me ferai pas traiter de « connasse égoïste » cf. la tribune de Garance Doré). Sans l’excuse d’un choc physique ou psychologique, on me regarde comme si je disais que je n’aimais pas les chiots ou les chatons : sacrilège. Limite si on ne me glisse pas la carte de visite d’un psy pour me remettre les idées en place.

Le truc, c’est que parfois, tu ne maîtrises pas tous les tenants et aboutissants de ta vie, et que les situations où tu aurais pu te reproduire ne te paraissaient pas assez satisfaisantes pour le faire. La seule chose dont j’ai toujours été certaine, c’était de ne pas vouloir un enfant à tout prix à élever toute seule, même si je respecte parfaitement les besoins de maternité de mes amies qui ont fait ce choix-là.
Ce n’est pas pour autant que je sois dépourvue d’instinct maternel, je ne suis ni traumatisée, ni folle ou psychiquement déficiente.

Alors, ami lecteur, sauf si tu as le goût du risque, ne viens pas te faire tarter par ma main avec ta question débile. Je ne te demande pas pourquoi tu perds tes cheveux, ni pourquoi tu as grossi. Il y a des choses qui sont comme ça, on n’y peut rien.

Et je dois t’avouer que la tentation est grande de te répondre « je suis stérile ».
Juste pour te mettre mal à l’aise, et que tu réfléchisses à deux fois avant de balancer n’importe quoi n’importe comment, même si c’est la mode, via un hashtag au napalm, ou plus courageusement, directement dans ma gueule.
Mais j’ai trop de respect pour les femmes stériles pour le faire.
Car elles n’ont pas choisi, alors que moi, j’ai toujours eu quelques options à portée d’ovaires.

Cependant, il y a de la place pour toutes en ce monde, sans que les unes et les autres soyons obligées de nous farcir le « bon sens » de celles et ceux qui ne sont pas comme nous.

En somme :
– la maternité n’est pas le seul avenir possible pour une femme, ni la cuisine son seul lieu de vie ;
– élever un enfant est difficile, voire relou, et il est bien tentant de vouloir que tout le monde soit dans le même bateau ;
– ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’enfant qu’on a été kidnappée et remplacée par un alien.

Alors cher ami lecteur, en 2018, faisons un vœu : celui de ne pas trouver bizarres des choses qui ne le sont finalement pas.
Il suffit juste de s’essuyer les lunettes avec un peu de tolérance : on y voit mieux et il se pourrait même qu’on en devienne un tout petit peu moins con.

À la semaine prochaine !

Danser-le-hip-hop-après-40-ans

Commencer une activité de djeun’s après 40 ans

Cher ami lecteur, après t’avoir fortement conseillé d’éviter certaines activités qui nuiront à ta crédibilité comme l’air guitar ou le sport-stacking, je me sens le devoir de te mettre aussi en garde face à la tentation de croire que, parce que les gens ne te donnent pas ton âge, tu peux faire tout et n’importe quoi comme si tu étais encore le teen-ager que tu n’es plus (depuis fort longtemps).

En l’occurrence, je vais partager avec toi mon expérience personnelle, survenue probablement d’avoir trop visionné la série Younger, où une quadra fraichement divorcée à New-York fait croire qu’elle a 14 ans de moins pour décrocher un job. Evidemment, comme elle y arrive puisque c’est une série où les RH ne vérifient pas le numéro de sécu, (et surtout qu’elle se tape un tatoueur de 20 balais avec des abdos de 20 balais) je me suis plu à penser que la pensée est créatrice, et qu’avoir une volonté de fer te propulse vers l’atteinte de n’importe quel objectif.

Je me suis donc inscrite à un cours de hip-hop.

Réactions de mon entourage : « Mais pourquoi ? » « Mais t’écoutes même pas cette musique ! » « Et tu vas tourner sur la tête et tout ? » « T’as craqué ? », bref, j’ai eu un encouragement sur une cinquantaine de silences désolés, de rondeur d’œil à se péter les orbites, donc un seul « c’est cool » mais avec le recul, je ne suis plus totalement certaine de l’écoute de ma copine à ce moment-là.

Je vais quand même répondre à la question du pourquoi.

Après avoir assisté à un cours de danse de Mia Frye, ça m’a « fait un trou dans ma life ». J’ai donc cherché un cours de street-jazz sur Perpignan, sans succès. Le hip-hop est ce que j’ai trouvé de plus approchant, et là non plus, ça n’a pas été simple, car les écoles à Perpignan ne cherchent pas d’élèves : sur 10 messages laissés, une seule m’a rappelée, et j’y suis restée.

Bonne ambiance, bon choix de morceaux, prof sympathique et sautillant : ça avait l’air bien. Mes amies danseuses m’ayant dit : tu verras, sois patiente, on progresse par paliers, je me suis dit, bon ben y a plus qu’à venir aux cours et le moment viendra.

Sauf qu’il semble que cette règle ne soit pas valable pour les quadras et plus.

Tu viens, tu galères, et la fois d’après tu continues de galérer.

Techniquement, comment ça se passe ?

Le prof te fait écouter la musique de l’enchainement. Ensuite il décompose les premiers pas lentement sans musique et tu les recommences avec lui plusieurs fois. Jusque-là tu gères.

Les ennuis commencent quand il met la musique.

ÇA VA BEAUCOUP TROP VITE.

Tes bras, tes jambes, rien ne suit. Mais tu essaies quand même, ton cerveau leur envoie aussitôt un ordre direct : « On bouge ! MAINTENANT !!! »

Du coup, tes bras et tes jambes affolés partent n’importe où, tu ne te rappelles d’aucun des mouvements qui viennent ensuite, et te voilà en train d’essayer d’imiter pathétiquement la super danseuse du premier rang, avec trois temps de retard.

Et à chaque fois que tu recommences, au lieu de t’améliorer, tu régresses.

Ça bourdonne dans tes oreilles, probablement parce que tu fais de l’hypertension due au stress (et à ton âge). Tu oublies tout, les pas, que tu es ici pour le plaisir, pour danser, non, toi tout ce que tu sais c’est que tu ne sais plus quel est ce fumier de prochain mouvement, et c’est ainsi que tu attends la fin du cours au bout du rouleau, en te demandant, un an plus tard, où est ce putain de palier après lequel tu galères moins.

Et c’est là que ton prof, qui s’ennuie un peu avec les cours de débutants, décide de mettre un peu de harissa dans le plat, et passe à des chorégraphies sur deux semaines au lieu de trois.

Et là, tu n’es plus qu’un long sanglot à l’intérieur.

Déjà que tu étais la Dory des chorés, là seul un miracle de Lourdes peut te sauver de la lose de la dernière ligne, celle qui regroupe les gens qui n’y arrivent pas (mais mieux que toi quand même).

Et histoire de m’achever, je surprends la conversation entre deux des fille(tte)s de mon cours : « moi cette année, je ne ferai pas le gala, je ne veux pas me mettre en danger pour le bac ».

Tu crois que tu ne peux pas tomber plus bas et moins à-propos ? Détrompe-toi, ton karma est ingénieux. C’est là qu’il choisit de te faire croiser ton ancienne collègue, charmante, branchouille et hyper-sympa, qui vient chercher sa fille, qui est à ton cours…

C’est à cet instant précis que j’ai entendu le jingle-fanfare pour la blague du jour, et que ma dignité m’a collé un arrêt maladie sans terme précis.

Je ne sais pas quand elle reviendra, mais tant que je continuerai à faire un mouvement sur trois dans un cours où la plupart des participantes pourraient être ma fille, je pense que je n’aurai aucune nouvelle.

Le truc c’est que, quand j’arrive à faire plus de 5 mouvements d’affilée, je suis tellement contente, que je crois que je vais persévérer encore un peu.

Que veux-tu, ami lecteur, la seule vraie certitude, c’est que le ridicule ne tue pas.

Et ça, c’est le laisser-passer pour la liberté : celle de danser comme une quiche.

Danser rend heureux.

Fais ce qui te plait même si tu n’es pas tout à fait au top, tu n’as qu’une vie.

N’attends pas !

 

À la semaine prochaine !

 

amis à louer

BFF : Best Fake Friend, ou l’amitié à la japonaise

Cher ami lecteur, il n’y a pas à tortiller de l’arrière-train, nos amis Japonais ont toujours eu une longueur d’avance sur nous. Au taquet sur la réalité virtuelle et sur les imprimantes 3D, ils ne sont jamais à court d’une bonne idée pour s’améliorer le quotidien : tu n’as qu’à penser à leurs  casiers pour dormir, recycler l’idée du cercueil, c’est tout de même judicieux.

Hé oui, ils solutionnent tout avec un sens pratique qui pourrait défier IKEA à une battle du rangement.

En l’occurrence, toi ami lecteur, quand tes amis ne sont pas dispo pour se faire une toile ou un apéro, tu restes chez toi, seul comme un étron dans une cuvette. Hé bien, l’ami lecteur japonais, lui, ne se laisse jamais abattre par la difficulté : il fait ce qu’il a prévu, mais avec un acteur, gentiment loué chez Client Partners, Support One, ou My Yes Man, l’offre est pléthorique.

Quelle idée géniale n’est-ce pas, moyennant environ 100 € les 3 heures, ta solitude ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Au passage, si ça prend en France, tu feras aussi une bonne action en aidant un intermittent du spectacle à cumuler des heures.

Imagine la nouvelle vie qui t’attend, ami lecteur, shoppings, cafés, apéros, cinémas, restaurants, toujours accompagné quand tu veux et par quelqu’un qui ne râlera jamais et sera toujours ravi de te voir.

Mais la prestation japonaise va plus loin : tu peux louer tes convives pour ton mariage, ils sont sélectionnés en fonction de ton métier et des goûts communs qu’ils peuvent avoir avec toi, ils assistent aux répétitions et tu peux même les présenter en amont à la famille de ta moitié, lors d’un petit dîner sympa, ça fait partie du forfait.

Et tu peux toujours les relouer plus tard si besoin.

Fini les embrouilles : plus personne ne souffle parce que tu hésites deux heures devant des bottines camel que finalement tu ne prends pas, et toi-même tu ne saoules plus tes amis avec tes problèmes relous de voisinage, de famille, de couple ou de célibat puisque, non seulement, tes amis à louer sont ravis quelle que soit la situation, mais répondent toujours présent alors que nous, amis lecteurs français, avons souvent piscine quand il s’agit d’écouter les problèmes des autres.

Nos amis japonais pratiquent même l’abonnement à une seule personne pour qu’elle revienne à toutes les sorties et suggérer ainsi une possible relation régulière. T’es plus loser solo mais t’es accompagné, ce qui signifie que tu es le seul à savoir qu’au fond, t’es toujours un loser, dans l’acception sociale du terme. Alors que c’est ton smartphone qui est le principal responsable de ton isolement, puisque tu es constamment dessus, et non pas par une une prédisposition particulière à la lose. Lâche un peu tes légendes urbaines intérieures, que tu te fabriques tout seul, ami lecteur, et tu te souviendras qu’il y a du monde autour de toi, et peut-être bien qu’il est sympa, ce monde.

Depuis 2014, inspiré par ce brillant modèle nippon, le site américain « Bookafriend » propose de louer des amis dans un grand nombre de villes dans la monde, pour aller faire un jogging, découvrir la ville, ou même te ramener si tu as trop picolé (et c’est le cas, car la solitude rend alcoophile, ami lecteur). Le choix sur Paris reste cependant très limité (3 propositions), il semble que la mayonnaise n’ait pas encore pris en France.

Encore moins en catalogne, me diras-tu. Personnellement, jamais en retard d’un apéro, je n’ai pas de besoin en location d’ami, néanmoins pour toi, ami lecteur catalan, j’ai mis les mains dans le cambouis et suis allée voir un peu l’offre qui te permettra de boire des mojitos aussi souvent que le peut ton porte-monnaie. Me voici donc sur Rentafriend, un site aussi moche qu’un flyer des années 80 et je renseigne notre bonne ville de Perpignan. Hé bien, nous n’avons pas intérêt à vouloir tous sortir le même soir, puisqu’il n’y a qu’un seul ami à louer, Charly, 29 ans, de Saint-Nazaire.

Sur Bookafriend, Perpignan, ils ne connaissent même pas.

Les sites asiatiques ne proposent quant à eux pas de catalogue d’amis pour la France.

Alors sommes-nous de bons clients pour les relations tarifées ? Considérant l’offre aussi famélique qu’une assiette dans un gastro façon nouvelle cuisine (grand contenant et contenu pour estomac de mannequin mais fort joliment arrangé) il saute aux yeux que, pour le moment, la France n’a pas mordu au concept.

Et pour cause : très occupés sur Tinder à chasser le plan cul, les amis lecteurs français n’ont plus le temps pour se payer des amis, et au fond, trouveraient cette alternative plutôt honteuse. D’ailleurs, si l’usage des sites et applis de rencontre s’est pas mal démocratisé, faute d’alternative efficace pour trouver des partenaires, bien peu s’en vantent en dehors de cercles très privés de meilleurs amis intimes. Que veux-tu, ami lecteur, les french lovers et loveuses ont des réputations d’élégants à tenir…

Si l’ami japonais souhaite ne déranger personne, l’ami français a davantage le souci de ne pas passer pour un con.

« Et alors, il est passé où ton pote ?

– Ah il est parti, je ne l’avais loué que pour 3 heures… »

Ben non, hein, à la terrasse du café branchouille, c’est un dialogue qui ne fonctionne pas du tout.

Alors ami lecteur, laisse ton portable dans ta poche pour ne pas devenir un jour un peu trop japonais…

À la semaine prochaine !

Ronds-points catalans mode d’emploi

Cher ami lecteur, nous sommes encore en été, même si Météo-France n’a pas l’air tout à fait d’accord, et peut-être as-tu caressé l’idée de venir passer quelques jours dans notre si beau pays catalan, où la mer le dispute à la montagne, où il fait quand même plus chaud qu’ailleurs, où il ne nous manque qu’IKEA pour être parfaitement heureux. Et tu as bien raison d’avoir cette idée, elle est bonne.

Seulement, je me dois de te prévenir, ce que la prévention routière et ton moniteur d’auto-école t’ont appris, tu vas devoir l’oublier le temps de ton séjour.

Car ici, dans ma catalogne natale, les ronds-points ont un fonctionnement qui ne ressemble à nul autre en France ou en Navarre (dont on ne sait toujours pas où c’est, d’ailleurs, enfin quand je dis on, c’est surtout moi).

Je t’explique.

1 – Le rond-point catalan ne fluidifie pas la circulation.

Loin de là. Il est créateur de bouchons. Déjà que le catalan de base respecte la distance de sécurité x2 et passe le dernier au feu vert pendant que toi tu rumines en te disant que, s’il avait juste roulé normalement, tu serais passée, tu te dis que ton ancienne vie parisienne t’a complètement guérie de ce travers. Ah ça oui, tu as même failli refaire 5 fois ton pare-chocs avant rien que la semaine dernière, à rouler comme une tête de veau à ras-de-pression de la voiture devant toi. Sur le rond-point, ça donne la même sans le feu tricolore : des voitures à perte de vue, mais loin de la tienne, un engorgement au rond-point, circulation fluide ensuite.

2 – La file de gauche est vide, à se demander s’il n’y a pas un truc.

Genre une caméra cachée avec un fluide invisible pour te faire faire un aqua-planning sans eau, ou un vieux clou rouillé pour que tu exploses ton pneu avant. Tous les catalans sont donc sur la file de droite. Sérieux, que quelqu’un m’explique. Donc, ami touriste, passe à gauche si t’es pressé comme un citron. Des fois, je me mets aussi à droite, car je culpabilise d’utiliser des trucs de parisienne, parce que c’est tricher ça, non ?

3 – Le rond-point catalan fait flipper.

Sinon, pourquoi personne ne s’engage ? D’ailleurs, ce point 3 explique en grande partie le 1, et l’on aurait presque envie que le psy ou la prof de yoga fasse partie du trajet et répète : « Mais non vous n’avez pas peur… Tout va bien se passer… Respirez, passez la première… », le tout sur une petite musique zen avec de l’encens tibétain diffusé dans l’habitacle. Le problème, c’est que notre ami autochtone n’essaie pas de s’engager au moment où la voiture passe sur le rond-point devant lui, mais seulement une fois qu’elle est passée… Et c’est évidemment trop tard, et au mieux il passe, mais pas celui qui piaffe derrière lui.

Alors ami touriste lecteur, toi aussi respire un bon coup. Oublie le périph. Viens voir nos clubs de plage et nos bars à tapas. Parce que notre ami lecteur catalan a tout compris, il n’est pas pressé et arrive en retard. Tout est une question de point de vue. Le seul problème, c’est que, si tes amis t’ont servi un rosé piscine, le temps de passer les 25 ronds-points qui poussent sur les routes du 66 comme des champignons, les glaçons ont fondu. Mais on s’en fout pas vrai ? On a le soleil. Ça ne paie pas l’essence, mais ça met de bonne humeur même les pauvres. Parce que le soleil, personne n’a encore réussi à nous le facturer.

Pour ma part, quand je voudrai aller vite, j’éviterai les ronds-points pour prendre de savoureux raccourcis avec des feux tricolores. J’arriverai à l’heure pour mon rosé piscine.

Alors profite bien de tes vacances, ami lecteur, et que tu sois catalan ou touriste, je lève mon verre à ta santé ! À la semaine prochaine !

Merci à Google Maps pour la photo.

« Une belle fille comme toi, et toujours célibataire ? »

Cher ami lecteur, aujourd’hui je ne vais pas te parler des législatives dont tout le monde se fout un peu puisque tout le monde était à la plage au lieu des urnes dimanche dernier (plus grosse abstention depuis 1958) et y sera encore probablement au second tour. Je ne te parlerai pas non plus de la moralisation de la classe politique, sauf si tu veux qu’on se marre un bon coup, mais rire quand on n’est pas ensemble c’est quand même moins fun.

Non, aujourd’hui je ne vais pas (encore !) râler, mais un peu quand même.

Pourquoi dès que je te croise, ami et sympathique lecteur, tu me poses systématiquement cette question qui nous donne à tous et toutes, nous autres pestiféré(e)s célibataires, des sueurs froides. Mais pas celles que tu crois : celles de l’effort que nous faisons pour ne pas te coller une droite, parce qu’on t’aime bien.

C’est la question du titre, et comme mon oreille n’en peut plus de l’entendre, je refuse de la réécrire.

Mais comme je peux comprendre que, si tu demandes, c’est que ça te turlupine, parce que c’est quand même vrai qu’il y a pire que moi sur le marché, je vais d’abord t’éclairer sur le sous-texte de cette question pernicieuse : « étant donné ton physique, c’est quoi le problème avec toi ? »

Bah oui, il existe une véritable discrimination anti-célibataires, qui part du principe que, si tu n’es pas trop moche, il n’est absolument pas normal que tu ne sois pas en couple puisque c’est l’aboutissement ultime, le bonheur n’est pas dans le pré, mais dans le chiffre 2 et la pub Ricoré. D’ailleurs, sache que les célibataires sont beaucoup moins invités aux repas, soirées etc., on ne sait jamais des fois que ce soit contagieux.

C’est mathématique, nous avons tort : 1 c’est moins que 2.  Le célibat, c’est mal !

Nous sommes donc obligés soit de sortir avec d’autres célibataires (l’avantage c’est qu’on peut sortir des vannes sur la fidélité sans être lourds), soit de déployer des trésors d’inventivité et de savoir-faire inédits pour se faire inviter par les coupleux quand même (blagues en gros stock, savoir politique, veille actu, commentaires sportifs, astrologie, numérologie, tarots, médiumnités diverses… Avoir des amis célèbres serait pas mal aussi, mais malheureusement, cela reste assez compliqué en province).

Personnellement, ce n’est pas que je ne veuille pas être en couple, comme tu dis si bien. Non, c’est juste que je ne souhaite pas y être à n’importe quel prix.

Je m’explique.

L’idée de sortir avec quelqu’un qui ne me plaît pas juste pour ne pas être seule ne m’emballe pas du tout (et inversement, je souhaite plaire et non pas combler la solitude de quelqu’un) du coup tu me traites, ami lecteur, de difficile, alors que je fais juste gagner du temps à tout le monde.

Difficile, je t’en foutrais.

Selon le Larousse, quelqu’un de « difficile » est quelqu’un qui « se montre exigeant, qu’il n’est pas facile de contenter » : Être difficile sur la nourriture.

En gros, si je ne me mets pas en couple avec ceux qui le souhaiteraient avec moi, c’est donc bien que je suis difficile. Du genre, si je n’aime ni le fromage, ni les anchois, alors je suis difficile. Une relou, quoi.

Permets-moi, ami lecteur, de ne pas me retrouver dans cette définition.

Le problème dans notre société, c’est que nous autres célibataires subissons tous la même pression sociale qui nous dénigre en tant que tels, et du coup beaucoup d’entre nous craquent et souhaitent se mettre en couple avec le ou la première potable qui passe sans se demander s’il y a entre les concernés le minimum de compatibilité qui permettrait que cela fonctionne au moins quelque temps.

Bref, tout le monde est pressé et saute d’un lit à l’autre avec l’espoir d’y avoir un flash in the night.

Alors que, pour apprécier quelque chose ou quelqu’un, pour vérifier s’il y a moyen de moyenner, il faut parfois prendre un peu son temps, un peu comme le concept de « slow food » et pratiquer le « slow love ».

Comme ça tu verrais bien, ami lecteur, qu’il existe bien des incompatibilités auxquelles tu n’as pas forcément prêté attention dans ton rush sentimentalo-sexuel. Avoir envie de sauter quelqu’un n’est une garantie de rien.

Alors sois cool, ami lecteur, et ne juge pas trop vite tes amis célibataires : ils ne sont souvent pas plus bizarres que toi, surtout si tu restes en couple alors que tu n’y es plus bien. Et arrête de leur rappeler leur statut : il se pourrait bien qu’un jour ils te rétorquent un truc sur les cheveux que tu as perdus, ou les kilos que tu as pris, pas sûr que ça te plaise.

À moins qu’ils ne te foutent un taquet. Petit, hein ! Pas fort du tout. Affectueux.

Mais un taquet quand même.

À la semaine prochaine !

Crédit photo : Stéphane Lluis

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On ne perd plus son latin, mais des amis Facebook

Être moderne, ami lecteur, c’est déjà de ne pas utiliser le mot « moderne ».
C’est aussi aller dans le sens du vent et avoir des comptes sur les réseaux sociaux, bon, c’est chronophage et souvent ennuyeux, mais tu dois au moins cibler Facebook, Instagram et Linkedin (si tu travailles). Comme ton smartphone te fournit les applications, un clic et tu y es, en plus ça te fait ta pause discrète au taf (euh, tes 63 pauses en fait).
Te voilà avec 200, 300, 1000 amis Facebook.
Proportionnellement, à moins d’avoir paramétré ton compte comme un militaire, tu as un quota de, à la louche, au minimum un tiers de personnes que tu n’as jamais vues, et basculées en connaissances, comme si ça changeait quelque chose, parce que de toute façon ça te les brise, les paramétrages de tes publications.
De temps à autre, tu checkes ton nombre d’amis, parce que bizarrement, ça te procure une énorme satisfaction d’avoir 537 amis virtuels, surtout si la semaine d’avant, tu en avais 492. A l’inverse de cette satisfaction irrationnelle, ça peut te faire quelque chose de te rendre compte que quelqu’un t’a basé de sa liste d’amis Facebook.
Bon, c’est vrai aussi, tout dépend qui.
Si tu te fais rayer de la liste d’un obscur artisan dont tu n’auras jamais besoin de solliciter les services, genre le pisciniste quand tu viens de t’endetter pour 30 ans pour un deux pièces, tu te doutes bien ami lecteur que le traumatisme n’est pas insurmontable.
C’est déjà bien plus désagréable quand ton ex t’éjecte. Non que ça me soit arrivé (bien sûr que non, ja-mais), mais la très grande empathie dont je suis pourvue me fait comme un gros picotement infiniment désagréable, un peu comme quand tu tombes sur une tomate cerise qui a tourné au milieu d’une barquette bien ferme (emoji ptdr). D’ailleurs, note ami lecteur que, plus l’ex est récent(e), plus le picotement est pénible, pouvant devenir une vraie démangeaison d’urticaire.
Si tu montes en gamme dans l’échelle du pas cool, il y a le bon pote ou la bonne copine qui, soudain, te montre qu’en fait, ben, non hein, pas vraiment.
Mais le truc qui fait bien bien mal à l’ego, c’est quand tu réussis à capter un influenceur ou une célébrité (ça marche aussi avec les personnalités géo-localisées à ton périmètre urbain), tu as déployé tes plumes comme un paon qui espère conclure, et soudain, en cliquant sur le profil de l’ami rutilant qui fait ta fierté, tu vois l’affreuse petite icône « ajouter » avec le petit (+) qui te nargue. Et là, tu te sens bien comme une bonne petite bouse de province, même si d’aventure tu es à Paris.
Ce qui est de surcroît très drôle quand quelqu’un te dégage de ses amis Facebook, c’est que tu peux difficilement lui en parler sans passer pour un pauvre individu désespéré, alors qu’à l’unanimité, s’il n’y a certes pas mort d’homme, ça casse les pieds, car un rejet virtuel, c’est un rejet quand même. La seule solution si tu souhaites en parler, c’est l’humour ou l’information frontale, encore faut-il que les personnes présentent un tant soit peu d’intérêt pour toi.
Cependant, te voilà face à la seule situation de la vie où le dicton « un de perdu, dix de retrouvés » se vérifie, puisque les amis Facebook ça pousse comme les fraudes dans un gouvernement. Alors fais comme moi, ami lecteur, ne désespère pas : la vexation ne provoquant ni AVC, ni infarctus direct, ni d’ailleurs aucun exil quelconque, déroule ta liste d’amis : il y en a forcément quelques-uns de sympathiques. Ensuite, même si tu n’es pas un bobo aficionado de développement personnel, applique quand même le 2e accord toltèque : ne prends pas les choses personnellement (sauf si tu as fait un coup de pute, mais là, je ne peux rien pour toi).
D’ailleurs, à propos d’amis Facebook, ami lecteur, j’ai une question pour toi. Parmi les miens, il y en a un qui est mort. Quelle est la procédure Facebook pour les comptes des gens décédés ? un cimetière virtuel est-il prévu ? une notification ? En tout cas, essaie de supprimer le compte d’une personne morte : c’est comme jeter une boîte Hermès, c’est compliqué. D’ailleurs, tu n’y arrives pas : tu aurais l’impression de trahir sa mémoire (celle du défunt, pas celle de ton carré « Brides de Gala »). L’immortalité, en fait, n’est pas qu’un concept : c’est juste un compte Facebook.
Highlander, attends-moi, j’actualise mon statut puis je t’envoie un MP. Je serai dans ta liste d’amis forever.
A la semaine prochaine !

Crédit photo : Joël Saget / AFP

Je ne suis pas de bonne humeur ce matin

Cher ami lecteur, aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je suis de très mauvais poil.

Je suis allée voter, alors qu’aucun des candidats ne m’a convaincue pour me représenter.

Le résultat des votes dans ma ville (et mon département) est consternant et révélateur en même temps : les deux extrêmes sont passés. Chouette, bienvenue dans un monde de tolérance, d’ouverture d’esprit et de progression commune.

Le gros problème, c’est que les individus en masse sont en régression.

Ils parlent de plus en plus mal, ne savent plus écrire correctement, ne veulent plus bosser, râlent tout le temps sans se remettre en question, n’ont plus de notion du respect de base dû aux autres individus alors qu’ils en sont au même titre que chacun.

Réfléchis ami lecteur, comment veux-tu être bien dans ta peau et heureux si tu passes ton temps à te demander comment tirer au maximum la couverture à toi ?

Et ça c’est une règle valable pour toutes les couches de la population. Quand un décideur t’annonce qu’il va pratiquer l’austérité et qu’il ne change strictement rien à son propre confort, quand un autre te propose de répartir l’ISF sur plus de monde (et notamment les classes qui sont déjà pressurisées) pour arranger ses riches copains, quand d’autres veulent te faire sortir de l’Europe alors que sans être un prix Nobel d’économie, tu comprends intuitivement que, d’un point de vue géopolitique, c’est débile, et qu’en plus ça va coûter un max à tout le monde, à quel moment se soucie-t-on du bien commun ?

Mais bon, il faut dire qu’on a les représentants qu’on mérite. Peut-être ont-ils raison, on est devenus en masse un banc de méduses, on avale toutes les mesures en s’indignant deux secondes sur les réseaux sociaux, ouh la la ça fait très mal. On se cuisine une petite soupe de haine, on va la servir à tout le monde, et ensuite, on ne va surtout rien changer, ni réfléchir à ce qu’on pourrait faire pour améliorer les choses, encore moins se remettre en question, parce que c’est jamais nous, c’est toujours la faute du terroriste qui fait tout péter, de l’élu qui s’en met plein les fouilles pendant que tu galères, de l’éducation nationale qui se réforme pour que seuls ceux qui ont les moyens du privé puissent réellement fournir un enseignement correct à leurs enfants, de la CAF qui permet de bien vivre si tu fais un max de gosses, c’est la faute de toi, et de toi, et de toi aussi, c’est sans fin.

Le problème, c’est qu’on est tellement ancrés dans une société individualiste, que les quelques clampins qui essaient d’en sortir se font dévorer par ceux qui sont sans scrupules, tu te fais démolir, et ça, qui en a envie ?

taper sur les mêmes

Et c’est comme ça que rien ne bouge.

La seule solution, c’est de se souvenir de la dernière fois où quelqu’un a fait preuve de bienveillance à ton égard. C’était comment ? C’était bien, hein ? Tu t’étais senti transporté par une mini-vague de bien-être, ami lecteur, peut-être même que les plus émotifs d’entre nous ont eu la larme à l’œil en y repensant. Hé bien elle est là, la clé. D’essayer de propager cette vague, de l’un à l’autre, qu’elle dure. Soyons bienveillants. Peut-être que ce ne sera qu’une goutte d’eau dans la mer, mais après tout, la mer est faite de gouttes d’eau. Chacune a son importance.

Et, ce que tu fais à l’autre, ami lecteur, tu le fais d’abord à toi-même.

Alors dès aujourd’hui, essaie d’être plus gentil, tu en deviendras automatiquement moins con !

A la semaine prochaine !

Voter blanc, ça sert à quoi ?

Cher ami lecteur, cette semaine j’avais d’abord pensé te faire une petite bafouille sur les sérums de beauté, dont je n’ai, à ce jour et malgré beaucoup de bonne volonté dans le testing, pas encore compris l’utilité. En réfléchissant, je me suis dit qu’il y avait tellement de choses, pourtant plus importantes, qui existent mais on ne sait pas trop bien pour quoi.

En l’occurrence, en cette période électorale, le vote blanc.

Le vote blanc, c’est quoi donc exactement ?

Contrairement au vote nul (ou bulletin invalidé non conforme) et l’abstentionnisme (ou non-vote), le vote blanc c’est quand aucun des candidats ne t’a convaincu, et que tu souhaites quand même exercer ton droit de vote. Concrètement, ça se traduit par un bulletin blanc ou une enveloppe vide mis dans l’urne. A savoir pour info que le bulletin blanc en question, c’est toi qui te le prépares, alors si jamais tu manques d’idées pour occuper tes gosses le mercredi après-midi quand il pleut, l’Etat t’offre une alternative, sachant que ledit bulletin doit être, au millimètre près, de la même dimension que les autres bulletins (avant l’atelier découpe, une petite chasse au trésor « trouve la taille magique du bulletin » s’impose donc).

Alors si ni François, ni Emmanuel, ni Marine, ni Jean-Luc, ni Benoît, ni l’autre François, ni Jacques, ni Philippe, ni Nathalie, ni Nicolas ne t’inspirent, tu votes blanc, si tu as besoin de te dégourdir les jambes. Que devient ensuite ta petite enveloppe vide ?

Concrètement, depuis 2014, elle fait l’objet d’un comptage à part.

Et voilà.

Ta voix, ton unique influence politique, ta seule possibilité d’expression entendue par le pouvoir en place, est perdue dans un petit pourcentage, et c’est tout.

Que peux-tu donc faire ?

Tu peux choisir un candidat par défaut. Tu te crées une grille d’analyse avec des critères personnels ultra-pertinents (le meilleur costume, signe astrologique, cravate…) et tu prends le moins pire, en espérant qu’aucun spécialiste de la langue française ne lira ce post. Bon ben, c’est comme te rabattre sur la marque repère alors que tu ne bouffes que du bio depuis cinq ans. T’es frustré, et pas en phase avec toi-même.

Tu peux aussi rejoindre les Citoyens du Vote Blanc, et espérer, ça fait vivre, que leur proposition de loi pour réformer le « Système » passe (PTDR).

Tu peux aussi voter blanc parce que tu es une méduse. Tu ne sais pas pour qui voter, d’habitude tu votais comme tes parents, mais ils sont morts. Ou alors tu es fâché avec eux. Tu n’as aucun avis sur la question, mais tu te souviens que ne pas voter, c’est mal. Bon bah, tu vas quand même voter blanc et te trouver un violon pour pisser dedans, c’est toujours moins violent que des toilettes sèches.

Cependant.

Tu votes dans un système (encore lui) où, si toi et disons 55 millions de tes amis votiez blanc, soit 85% de la population française, cela signifierait donc que les candidats se partageraient les 15% qui votent. Si parmi eux, celui qui gagne prend disons 45% des suffrages, en réalité il prend 45% de 15%, soit un peu moins de 7%. Ça ne fait pas du tout pareil, hein ?

Même si les chiffres de l’exemple sont un peu marseillais (en 2012 on tournait autour de 20% d’abstention et 6% de votes blancs), si les abstentionnistes votaient eux aussi tous blanc au lieu de rester au barbeuc du dimanche à faire monter leur taux de cholestérol, on serait à plus d’un quart de la population, ce qui, dans un camembert, n’est pas rien, ce n’est pas le corbeau de la fable qui me contredira.

Aux régionales de 2015, une pétition de plus de 150000 signatures pour demander la prise en compte du vote blanc comme suffrage exprimé est un pet dans l’eau.

Et puis si jamais on reconnaissait soudain le vote blanc, quoi ?

On cherche d’autres candidats ? On demande à ceux déjà présents de nous ressortir en cinq-sec de nouveaux programmes plus adaptés ? On refait des élections (et on augmente ta taxe foncière pour les payer ?)

A première vue, ami lecteur, c’est comme démêler les fils de tes écouteurs d’Iphone d’une seule main quand tu es pressé : c’est n’importe quoi.

Alors je m’en vais laisser le blanc aux robes de mariées et aux intérieurs hygge, et me comporter comme si ma voix comptait vraiment. Comme dans les contes de fées.

La pensée magique, ça s’appelle. Ça rend joyeux, comme un verre de rosé en juin.

Et surtout, pour une fois ami lecteur, me voilà bien soulagée de ne pas avoir de progéniture.

J’aurais été bien emmerdée d’expliquer à mes gosses ce qu’est la démocratie.

À la semaine prochaine !

Faut-il encore draguer dans les bars ?

Cher ami lecteur, la société évolue, au point que pour draguer tu vas devoir bientôt te concocter un cv affectif, déjà que tu n’es pas loin de courir les photographes pour optimiser ton profil Facebook, Tinder, etc, au point que tu réfléchis à te fabriquer un trombino de tes ex comme sur Who’sDatedWho, ce site rigolo où tu vois enfin à quel point les stars n’ont vraiment rien d’autre à foutre que de se taper les unes les autres. Les applis de rencontres cartonnent, les couples se répandent sur leur désespoir affectif dans les émissions de témoignages comme la grippe dans un service de gériatrie, bref ta vie sentimentale se passe sur un écran. Mais que reste-t-il de la vraie vie et surtout de la drague dans les bars ? Et surtout, qu’en pense ta libido ?

Parce qu’il faut être honnête, à moins d’être totalement alcoolique, c’est bien pour cela que les bars existent. L’être humain est régi par le principe de plaisir, m’a assuré mon prof de philo en terminale, j’en déduis donc raisonnablement que la fornication restera encore longtemps une préoccupation centrale. Et comme le viol n’est pas une pratique autorisée entre personnes civilisées, la drague dans les bars a longtemps été l’alternative principale et prometteuse aux agréments du boudoir.

À Perpignan, il faut dire qu’on se donne du mal, les bars à tapas poussent comme les champignons dans les slips des touristes l’été dans les campings, tu n’as que l’embarras du choix, et pourtant il devient de plus en plus difficile d’y faire ton marché, pardon, de rencontrer un ou une partenaire de moyen ou long terme.

Il faut quand même préciser que, hier ou aujourd’hui, tout le monde ne drague pas. Certains n’ont pas besoin, même si de nos jours, dans notre belle société tellement tournée vers les autres, on se demande bien qui est, en toute sincérité, totalement heureux dans son couple ; d’autres ne sont pas paramétrés pour (timidité, complexes divers, ego surdimensionné), enfin, d’autres encore ont une hygiène de vie qui n’est assurément pas la mienne (quinoa, thé vert, tartare d’algues).

J’ai recensé quatre sous-statuts de l’individu susceptible de draguer (indépendamment du sexe de l’individu en question) :

L’individu célibataire : comme on n’a jamais vu en dehors d’un écran de cinéma le partenaire tant espéré sonner directement chez soi (et encore moins depuis l’arrivée en force de la très flippante tendance danoise hygge, chaussettes pilou et feu de cheminée), et à moins d’avoir des velléités de vie spirituelle avancée du genre ermite, ce qui, au vu de mes récentes expériences de voisinage nuisible peut s’avérer être tentant, l’individu célibataire donc, est le plus propice à se rendre dans un bar pour y draguer. Mais avec le récent boom des sites de rencontres, cette catégorie a considérablement diminué, mais on croise toujours :

  • l’individu célibataire vintage : il ou elle a plus de 40 ans, et a donc connu une époque sans téléphone portable ni Tinder. Il ou elle continue donc de croire au pouvoir des bars.
  • L’individu vrai communicant : parce que c’est beaucoup moins drôle de parler avec une tablette.
  • L’individu beau ou belle gosse : parce qu’on voit quand même mieux sa beauté et son charisme sensationnel en vrai.

Dans ces trois statuts, tu peux également trouver des sous-catégories, telles que : le/la queutard(e) (qu’on retrouve également dans les individus en voie de séparation, voire dans les couples stables et solides) ; le/la relou bourré(e), l’alcool pouvant faire perdre en plus de l’inhibition, tout sens de l’objectivité, voire la dignité tout entière ; le/la timide, généralement en groupe avec des amis, qui rêve de draguer mais a trop peur de se prendre un râteau, et qui parfois se lance, après quelques (litres de) bière(s), mais se transforme alors en relou bourré(e).

L’individu en voie de séparation : après avoir repris la course à pied ou le fitness, il ou elle va tester l’impact de ce nouveau corps en live afin de se prévoir un plan B sans latence entre deux périodes de vie en couple, l’objectif étant de ne jamais passer par la case de célibat. Ou, sous prétexte d’avoir besoin de parler à un(e) ami(e), en profite pour faire des repérages et envoyer quelques signaux en PNL (gros clignotage hormonal de l’annonce :   « bientôt libre ! »), objectif ibid.

L’individu récemment séparé : il ou elle est en dépression, qu’il ou elle soit largué ou larguant. Ne supporte pas d’être seul, mais ne supporte pas la foule dans les bars non plus. Pas encore célibataire dans sa tête, poussé hors de chez lui par ses amis qui, eux, ne supportent plus de le (la) voir tirer la tronche et pensent qu’une bière lui fera le plus grand bien. Quand le déclic a lieu (souvent après la 3e bière), part en chasse un peu tous azimut car n’a plus rien à perdre. Gros risque de levage de partenaires absurdes.

L’individu en couple qui omet de le dire : possible dans les grandes villes, très risqué ailleurs. Souvent (mais pas forcément) est un individu en voie de séparation en devenir.

Alors, que reste-t-il de la drague dans les bars ?

Tout d’abord, que tu sois ou non inscrit(e) sur une appli de rencontres, tu as noté le côté nettement moins bon enfant des bars, où chaque arrivée se prend un scan visuel de ceux et celles qui sont arrivés avant, ce qui ne t’aide pas du tout à te détendre : en effet, les inscrits essaient de repérer IRL les photos et profils vus sur les applis, les autres se demandent si tu es susceptible de constituer une nouvelle cible. Tout cela n’est pas très fun, le calamar à l’andalouse des tapas te le certifie. Dans ces conditions, établir un contact avec l’autre qui est pourtant juste à côté de toi devient de plus en plus compliqué, car tu ne peux plus parler à l’autre sans être suspecté de draguer alors que c’est pour ça que tu es venu, tu saisis la difficulté de l’entreprise ?

Ensuite, ami lecteur, il est parfois pertinent de te pencher sur les chiffres : selon une étude de Marie Bergström, « Sites de rencontre : qui les utilise en France ? Qui y trouve son conjoint ? », parue dans Population et Sociétés, n° 530, février 2016 (oui, oui, c’est une source qui ne rigole pas) seulement 2% des conjoints du panel se sont trouvés en ligne, je cite  : « Les sites donnent plus souvent lieu à des relations éphémères qu’à des couples stables ».

Alors je ne saurais que trop te recommander, ami lecteur, de retrouver ton âme d’enfant quand tu vas dans les bars si tu éprouves le besoin ou l’envie d’y aller, et de commencer par t’amuser vraiment ; ton pouvoir attracteur en sera démultiplié, sans aucun effort. Et tu pourras peut-être, à ce moment-là, te faire draguer pour une fois. On ne sait jamais, ça peut te plaire.

Quant à savoir s’il faut encore ou non draguer dans les bars, j’ai envie de te conseiller de ne pas attendre mai pour faire ce qu’il te plait… tout pouvant par définition arriver n’importe quand, ne te limite pas à un bar pour séduire, d’autant que, passé minuit, les Gremlins biberonnés au Get 27 te guettent.

Lâche juste ton téléphone deux minutes.

La vie est juste là (et les beaux/belles gosses aussi) !

À la semaine prochaine !